Sashimis marinés – et l’art japonais du poisson cru
La recette de sashimis marinés (ryukyu don) présentée en fin d’article permet de sublimer un poisson cru peu goûteux et de se régaler ainsi à la maison. Car oui, pour un habitué de restaurant japonais de qualité, la préparation de sashimis classiques à la maison a très peu d’intérêt. Si l’explication détaillée ne vous intéresse pas, accédez directement à la recette en cliquant sur ce lien
L’art du poisson cru, un savoir-faire complexe
J’ai parfois entendu dire que les chefs japonais spécialistes du sushi n’avaient pas de mérite : « ils ne cuisinent pas, ils ne servent que du poisson cru ». Penser cela est ignorer un art qui, malgré son apparence minimaliste, demande un travail minutieux qui ne laisse rien au hasard : la méthode de pêche puis de mise à mort du poisson, à défaut le choix du poisson déjà tué, la sélection de la partie utilisée pour telle ou telle préparation, les techniques de découpe et – élément moins connu – la maturation. Car oui, tout amateur de viande rouge sait que cette dernière a besoin d’être maturée pour devenir tendre et goûteuse. Mais qui sait qu’il en est de même pour le poisson ? Cette technique est d’autant plus difficile à maîtriser que le poisson se dégrade plus vite que la viande. Il faut donc savoir exactement quand la chair a atteint le meilleur de son goût et pouvoir la proposer à ce moment précis.
La maturation du poisson, un phénomène chimique
Chihiro Masui vulgarise ce phénomène dans son très beau livre « Poissons, un art du Japon ». Voici ce que j’en ai compris.
Lorsqu’un animal meurt, ses cellules continuent à se transformer. Elles utilisent pour cela une réserve d’énergie. Ce « carburant » ne se renouvelle évidemment plus, ce qui provoque sa transformation progressive en plusieurs substances, dont certaines responsables du goût umami, le goût délicieux. Immédiatement après sa mort, le poisson est considéré comme frais. Puis ses muscles se contractent, c’est ce qu’on appelle la rigidité cadavérique. Inutile de préciser que ce n’est pas le moment de consommer la chair ! La rigidité cadavérique est plus forte si l’animal est mort en condition de stress ou s’il a connu des convulsions (d’où l’importance de la technique de pêche et de mise à mort). Puis, cette rigidité diminue progressivement, car les muscles se détruisent. C’est alors que la chair devient très tendre et que les protéines partiellement dégradées ont produit l’umami : le moment parfait de consommation est venu ! Ensuite, la décomposition se poursuit, le goût se dégrade et la viande devient impropre à la consommation.
Le chef japonais ayant lui-même tué son poisson aura utilisé les techniques optimales pour ne pas le stresser en le tuant instantanément, puis saura suivre très exactement l’évolution de la maturation pour savoir à quel moment servir son poisson. En principe, le temps entre la mort du poisson et la rigidité cadavérique, correspond à celui de la disparition de cette rigidité. Le chef peut ainsi anticiper le moment où le poisson sera le meilleur pour être préparé et servi.
Revenons à la maison
Cette vulgarisation de l’art du poisson cru permet de comprendre que la préparation du sashimi ne se limite pas à la découpe (qui elle-même influence également fortement le gout et la texture) et pourquoi il y a peu d’intérêt gustatif à consommer du poisson cru dans des faux restaurants japonais, dans des établissements bas de gamme ou même à la maison. Même si le poisson est frais, il aura toutes les chances de n’avoir que très peu de goût.
C’est là que cette recette de sashimis marinés – trouvée sur l’excellente chaîne Youtube cooking with dog – est intéressante car, dès lors que votre poisson est frais, vous le relèverez facilement grâce à une marinade parfumée.
J’ai trouvé des sashimis dans une épicerie japonaise à Paris. A défaut, demandez explicitement à votre poissonnier des filets de poisson à consommer cru que vous congèlerez 7 jours pour éviter toute contamination ou utilisez des sashimis surgelés en les décongelant lentement une nuit au réfrigérateur.
Recette de sashimi marinés – ryukyu don
Ingrédients
Pour deux personnes
- Sashimi variés (une vingtaine pour deux petits bols). Par exemple : saumon, dorade, thon, maquereau mariné
- 2 cuillères à soupe de shoyu (sauce soja japonaise)
- 2 cuillères à soupe de mirin (vin de riz sirupeux)
- Un morceau de gingembre frais
- 3 à 4 oignons nouveaux
- 1 cuillère à soupe de graines de sésame
- 1 feuille de shiso
- 1 jaune d’œuf (optionnel)
- Des algues nori
- Riz rond japonais (selon la portion souhaitée)
Préparation
- Préparer la marinade : mélanger les 2 cuillères à soupe de shoyu avec les 2 cuillères à soupe de mirin et le gingembre râpé. Couvrir d’un film alimentaire et laisser mariner au frais une trentaine de minutes.
- Faire cuire le riz comme indiqué dans cette recette
- Faire griller les graines de sésame dans une poêle sans matière grasse. Les réduire en poudre
- Avant de servir, enlever un peu de marinade. Ajouter le sésame, la feuille de shiso ciselée, l’oignon nouveau émincé et mélanger.
- Découper l’algue nori en petits morceaux. Disperser le nori sur le riz, ajouter le poisson et le jaune d’œuf cru.