Le saké japonais

saké japonais

Cela faisait longtemps que je souhaitais écrire un article de vulgarisation sur le saké japonais. La variété et l’intérêt des saveurs de cette boisson, tantôt épicées et minérales, tantôt florales et fruitées, est incroyable. Pourtant, la matière première du saké n’est pas un fruit, il s’agit bien de riz ! Nous sommes bien loin de l’idée du saké que se font une grande partie des Français, qui le confondent avec ce tord-boyaux grossièrement parfumé servi dans les restaurants asiatiques dans des verres laissant apparaître des images suggestives. Notons d’ailleurs que ce « rituel » aurait été inventé par la diaspora chinoise aux États-Unis et n’existe pas en Asie.

Le mot saké est le terme générique en japonais pour désigner l’alcool. Pour parler précisément de ce que nous appelons saké en France, il faut utiliser le terme « Nihonshu », qui signifie littéralement « alcool japonais », en opposition aux autres alcools disponibles. Bien que la technique de production du saké n’a rien à voir avec les techniques vinicoles, j’aime dire que le saké est un vin de riz, pour son degré d’alcool (autour de 15%), son mode de consommation (en apéritif, pendant ou à la fin d’un repas) et sa complexité aromatique.

Comment fabrique-t-on du saké ? (de manière très simplifiée)

Étape 1 : la préparation du riz
Vous l’avez compris, la matière première du saké est le riz. Les brasseurs de saké vont commencer par polir le riz, c’est à dire le débarrasser de sa couche externe, riche en protéines et en lipides, pour atteindre le cœur du grain de riz, plus concentré en amidon. Le riz est ensuite lavé, trempé, cuit à la vapeur et rapidement refroidi.

Étape 2 : la préparation du kōji
Dans une salle appelée Kōjimuro, on saupoudre sur une partie du riz un champignon nommé kōjikin et dont le rôle sera de dégrader l’amidon du riz pour le transformer en sucres simples. Ce sont ces sucres qui pourront fermenter et créer de l’alcool. On appelle ce phénomène la saccharification de l’amidon.

Étape 3 : le pied de cuve
Au bout de trois jours, on transfère le riz précédemment « ensemencé » dans une cuve plus grande, dans laquelle on ajoute des levures soigneusement sélectionnées et à nouveau du riz, de l’eau de source et du kōji. Durant une période de 14 jours, plusieurs ajouts successifs seront faits. La qualité de l’eau utilisée est cruciale, aussi les brasseries de saké sont toujours installées à proximité d’une source d’eau pure.

Étape 4 : la fermentation
Le pied de cuve est ensuite transféré dans des cuves de fermentation plus grandes. On mélange le contenu de ces cuves très régulièrement pendant cette étape qui dure entre 20 et 30 jours et on continue d’ajouter du riz et de l’eau. Il s’opère une fermentation double sous l’action simultanée du kōji et des levures. Le kōji transforme l’amidon en sucre, tandis que les levures se multiplient et transforment ce sucre en alcool et en CO2.

Étape 5 : la finalisation
On presse le contenu des cuves pour en extraire le jus. Le liquide est, dans la grande majorité des cas, filtré et pasteurisé (contrairement au vin qui contient des sulfites, il n’y a pas de conservateur dans le saké). On parle en français de pasteurisation, mais la technique était utilisée par les Japonais pour stabiliser leur boisson près de trois siècles avant l’invention de Pasteur. Le saké ainsi obtenu sera maturé 6 mois avant d’être mis en bouteille.

Les grandes catégories de sakés

On distingue deux familles de sakés : les sakés Junmai, produits exclusivement avec du riz, de l’eau, du kōji et des levures et les sakés Honjōzō dans lesquels ont été ajoutés de l’alcool distillé. Un saké Junmai sera plus onéreux qu’un Honjōzō car sa production nécessite une quantité plus importante de riz. Chaque type de saké va développer des palettes aromatiques différentes. Le Honjōzō sera en principe plus frais et minéral, le Junmai plus fruité et complexe.

La seconde variable pour classer les sakés sera le taux de polissage du riz, exprimé en pourcentage. Une petite subtilité, plus le pourcentage de polissage est élevé, moins le riz est poli : on mesure ce qu’il reste du riz après qu’il ait été poli. Ce taux de polissage va aussi naturellement jouer sur le prix, car plus on retire de matière autour du cœur du riz, plus on doit en utiliser.

Famille Junmai
(pur riz)
Polissage
(% de riz restant)
Famille Honjōzō
(avec ajout d’alcool)
Junmai70 %Honjōzō
Junmai Ginjō60 %Ginjō
Junmai Daiginjō50 %Daiginjō

Accords mets / sakés

Je l’ai dit plus haut, même si sa méthode de production est très différente de celle du vin, le saké peut se rapprocher de ce dernier, au moins dans les occasions durant lesquelles on le consomme. La notion d’accords mets / saké n’existe pas vraiment au Japon, on considère davantage que le saké ne doit pas interférer avec la nourriture. Cela n’empêche pas de relever des alliances intéressantes.

Le saké ne présente aucun tanin et est beaucoup moins acide que le vin. Ainsi, il se montre moins dominant et s’accorde facilement avec beaucoup de plats. On y trouve des arômes fruités, floraux, végétaux, minéraux ou épicés. Les sakés de type Ginjō et Daiginjō accompagneront des plats simples à base de fruits et légumes, les sashimi de poisson blanc, le poulet vapeur.

Les sakés de la famille des Honjōzō vont plutôt accompagner les recettes au goût léger à base de tofu, légumes sauvages, algues, fromages frais, crustacés.

Les sakés de la famille des Junmai, grâce à leurs arômes puissants, pourront soutenir des plats plus goûteux, à l’umami marqué. Les plats de viande, les plats mijotés, les charcuteries de qualité ou les poissons gras seront sublimés. Osez également les Junmai avec nos fromages français : j’ai souvenir d’expériences très intéressantes !

Faut-il boire le saké chaud ou froid ?

Eh oui, il est très courant de boire du saké chaud ! Traditionnellement, le saké était toujours bu chaud, mais il est désormais communément admis que les meilleurs sakés s’apprécient froids. Consommer du saké chaud est même considéré par certains comme désuet.

Les sakés fruités et délicats seront plutôt servis frais, mais pas trop froids, au risque de faire ressortir l’amertume. Les sakés plus rustiques, au goût de riz plus présent, pourront se boire aussi bien chauds que froids, la chaleur fera ressortir l’umami et le sucré, le froid le salé et l’amer. Tentez les deux températures de dégustation !

Les températures idéales de consommation sont souvent indiquées sur la bouteille. Pour chauffer du saké dans les règles de l’art, il faut placer du saké à température ambiante dans un récipient au bain marie et le faire monter doucement en température, jusqu’à ce que le saké fume, en ne dépassant pas les 65 degrés.

Le saké pétillant (sparkling sake)

Depuis les années 2000, le saké pétillant est à la mode au Japon. Il fait souvent référence au champagne, tant par ses méthodes de production que par l’image festive et luxueuse qu’il véhicule. Plusieurs techniques permettent d’obtenir du saké pétillant, de la simple adjonction de gaz carbonique pour les produits bas de gamme, jusqu’à la « refermentation en bouteille » équivalente aux méthodes de production de la plupart des vins pétillants à travers le monde. J’ai goûté des sakés pétillants très intéressants mais je n’ai pas vraiment eu l’impression de boire du saké.

Comment conserver le saké ouvert ?

Selon le type de saké, une bouteille ouverte pourra se conserver de quelques jours à quelques mois, à la verticale, au réfrigérateur. Evitez au maximum les brusques variations de température. Les arômes les plus délicats disparaîtront en premier, les plus profonds et rustiques seront présents plus longtemps. Une durée de deux semaines paraît être un délai assez général, mais ne jetez pas pour autant votre saké au-delà : goûtez-le ! Au pire, vous pourrez le recycler en cuisine (voici toutes les recettes du blog utilisant du saké)

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